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LE JOUR OU TOUT AVAIT BASCULE
3 avril 2007

"SECONDE ECRITURE DE DEBUT"

En ce temps là, nous habitions au coeur de Saïgon, au coin de la rue Lê Loi, un grand carrefour avec d'autres rues dont je ne m'en souviens plus le nom. Juste en face, de l'autre coté du carrefour, il y avait un grand cinéma.

Nous occupions les deux premiers grands appartements du troisième et dernier étage, juste à coté de l’escalier. Le premier était celui de Tante Marie, le second, celui de Papa et Maman. Moi, j’habitais dans les deux. J’étais plus souvent chez Tante Marie. Dans l’autre, c’était le territoire de mon petit frère, ‘Fanfan la trulipe’. C’était un véritable brigand. Papa lui donnait tant de jouets, qu’il fallait les empiler contre le mur d’entrée sur une dizaine de pas de long. Moi, j’occupais tout le balcon de l’appartement. Les branches d’un tamarinier tendaient ses fruits jusque dans la maison. En me penchant, je pouvais voir « le théâtre français », au loin à droite, après la place du jet d’eau. Tante ne venait que rarement dans mon espace de peur qu’il ne lui arrivait un accident avec toutes les choses que j’y entreposais. Je fabriquais moi même tous mes jouets avec des choses que je trouvais ou avec les casses de mon frère. Je construisais des arbalètes miniatures. Les plus petits tiraient des cures dents en bambous. Les plus grands tiraient des brochettes confectionnées avec des rayons de bicyclette que je garnissais au bout des tiges de roseau. Certains balais se composaient de tiges très légères d’une sorte de roseau. Avec çà, je pouvais planter les fléchettes sur les panneaux des volets fermés du cinéma de l’autre coté du grand carrefour. Un Dieu devait avoir veillé sur la populace. Il n’y avait jamais eu d’accident. Ces flèches pouvaient certainement blesser gravement, voir de tuer. Je vérifiais mes tirs avec une demie jumelle. Les volets étaient hérissés de pics colorés. Pour distinguer les dernières flèches, je les peignais. J’évitais de tire sur les grandes affiches, parce que derrière, il y avait des fenêtres ouvertes. Et puis, les affiches étaient des peintures gigantesques, faites à la main. Le peintre pourrait facilement me repérer, il suffisait de voir la direction des flèches. Je n’avais pas encore quatorze ans, mais je faisais toujours le tour du problème avant de commencer une expérience. Ce qui faisait le plus peur à Tante, c’était la boîte qui faisait tourner une roue. Je faisais chauffer de l’eau dans une boîte fermée. Par un trou, la vapeur faisait tourner une roue à aube. Tante n’arrêtait pas de me répéter que cela me sauterait à la figure. Je la rassurait en disant que le couvercle s ‘ouvrirait et que cela était sans danger. Plus encore, c’était lorsque je grattais les impactes de balles pour récupérer les balles. Quelques temps plus tôt, des milices viêtcong étaient au théâtre français. Ils avaient placé une mitrailleuse sur les hautes marches et avaient tiré sur la foule qui fuyaient. Il y avait eu des morts juste devant, dans la rue. Puis ils repartaient en camions avant l’arrivée de l’armée régulière.

Vers les derniers mois, j’avais rapporté d’une excursion, une gousse de protection de fleurs de cocotier. C’était une enveloppe fibreuse et qui avait la forme d’un bateau. Séché, c’était dure comme du bois. Il suffisait de le tremper  quelques jour pour l’assouplir et rectifier les formes. J’en avais fait un bateau à voile doté d’un moteur à pile. Je l’avais peint. Il avait tout, dans les moindres détails, comme les véritables bateaux. Devant la proue, j’avais peint des yeux comme cela se faisait sur tous les esquifs. Plus tard, lorsque Tante viendra en France, elle avait emporté quelques petites choses que j’avais fait.

Durant les dernières semaines à Saïgon, je m’occupais à remplir mes deux grosses valises. Je n’emporterais aucun jouet, J’en fabriquerais d’autres.

C’étais là, le soir de la veille du jour du départ, que Tante Hélène venais de parler sans témoins. Après m’avoir fait promettre de garder le secret le plus absolu, elle m’apprenait que mon Père n’était pas mon Père.

Cette nuit là, la dernière nuit à la maison, j’étais pris de colique, je n’arrêtais pas d’aller aux toilettes où je restais très longtemps. Tante Marie pensait que j’avais trop mangé. Pour la dernière soirée, on avait fait la tournée des restos pour me permettre de manger une dernière fois, tous mes plats préférés. C’étais une véritable torture. Je n’avais pas du tout envie de manger. Au milieu de la nuit, Tante m’avait fait boire des décoctions divers et mis une serviette chaude sur le ventre. Rien n’y faisait.

Tout le monde étaient en bas, on n’attendait plus que moi. J’étais remonté pour aller aux toilettes. En fait, je prenais le temps de revoir une dernière fois ce grand appartement silencieux et vide avant de descendre en courant comme pour fuir un fantôme.

 

 

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LE JOUR OU TOUT AVAIT BASCULE
  • EXODE VERS LA FRANCE. Lorsque j’aurai l’esprit moins préoccupé, je reprendrai ceci pour faire naître d’autres émotions. Je ne me suis jamais lamenté, pour la simple raison que je ne me compare pas. 2013 marque le début et la fin de 1000 et 1 choses.
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